calendrier semainier magnétique

Autisme et apprentissage : le témoignage de la maman de Pierre

L’équipe de 630° EST a rencontré Françoise la mère de Pierre, enfant avec autisme. Aujourd’hui, Pierre a 22 ans et a été diagnostiqué TED il y a 10 ans. Françoise nous raconte son histoire avec son fils, du diagnostic de son comportement autistique aux moyens d’améliorer sa vie quotidienne au travers notamment d’un calendrier semainier adapté.

Comportement autistique : le diagnostic

Françoise s’est rendue compte très tôt que son fils, Pierre, n’avait pas un comportement ordinaire : il ne parlait pas et ne comprenait pas ce qu’elle lui disait ; “j’ai même pensé qu’il était sourd” nous dit-elle.

“Lorsque l’on est une maman on voit des choses mais on ne veut pas forcément les voir, on trouve des excuses”.

C’est l’entrée de Pierre à l’école qui a permis à Françoise de se rendre compte que le comportement et l’attitude de son fils étaient différents. Comme la plupart des enfants avec autisme, Pierre a mis du temps à marcher, à parler et à être propre. A ce moment-là, Françoise a commencé à s’interroger réellement et à rencontrer de multiples médecins pour aider son fils.

Mais, il y a 20 ans le diagnostic d’un comportement autistique avait plus de mal à être posé. Il n’y avait pas de médecins spécialisés dans l’autisme, “personne ne voulait le dire clairement, à l’époque, pour les médecins diagnostiquer voulait dire qu’il n’y avait plus rien à faire […] je n’avais pas forcément besoin qu’on le soigne mais de savoir ce qu’il avait pour pouvoir l’aider et avancer […] J’avais besoin qu’on mette un nom sur ce qu’il avait et le problème était de mettre ce nom à l’époque, j’ai même fini par le trouver moi-même” nous confie Françoise. Son fils a été diagnostiqué TED (Troubles Envahissants du Développement), un terme assez large selon Françoise qui affirme que le comportement de son fils ressemble fortement à l’autisme infantile.

Jusqu’à ses 6 ans, Pierre allait 2 demi-journées par semaine à l’école, le reste du temps il était en centre. Dans ce centre, une psychiatre a considéré que Françoise était fautive de l’état de son enfant. On l’accusait de ne pas rendre son fils propre, de le mettre à l’école pour s’en débarrasser… Françoise a encaissé de nombreuses critiques de la part de professionnels. Des paroles dures à entendre pour Françoise qui s’est effondrée quelques fois mais n’a jamais abandonné les recherches pour Pierre.

«On m’a même dit que c’était de ma faute car je ne faisais rien pour le rendre propre. Il n’y a aucune implication de la mère.”

A cette époque, Françoise et sa famille habitaient un petit village à la campagne et étaient suivis par le médecin de famille qu’ils connaissaient très bien. Un jour, ce dernier leur a confié que “s’ils avaient habité en ville, les services sociaux auraient déjà récupéré Pierre”. Il a su comprendre Françoise et la défendre contre tout ce qui lui avait été reproché. Françoise se souvient également d’une rencontre avec une psychologue qui lui a dit “c’est grave ce qu’a votre fils”. Ces propos ont été durs à encaisser pour Françoise, qui confie avoir eu beaucoup de mal à l’entendre. Cependant c’est la seule personne qui a osé leur dire les choses clairement et, au final, Françoise affirme aujourd’hui que “c’est elle qui avait raison, il faut juste vouloir l’entendre…”.

Malgré les nombreuses critiques des professionnels et toutes les rencontres infructueuses, Françoise n’a jamais baissé les bras et s’est battue pendant plus de 7 ans pour poser enfin les mots sur le comportement de Pierre. C’est aux alentours des 10 – 12 ans de Pierre qu’un docteur qui les suivait régulièrement a enfin posé le diagnostic de son comportement autistique. Françoise a été soulagée d’avoir enfin des mots et un diagnostic pour son fils. Par la suite elle n’a cessé de continuer à se battre pour l’aider à se développer au mieux.

Autisme et apprentissage : la vie au quotidien

calendrier semainier magnétiquePierre, 22 ans

Le quotidien à la maison « n’a pas été toujours facile. (…). J’ai toujours voulu l’élever comme s’il était normal, aujourd’hui il met la table… ». D’après sa mère, Pierre est maintenant plutôt autonome et réalise quelques tâches du quotidien.

Durant l’enfance de Pierre, il était difficile pour Françoise de ne pas pouvoir mettre de mot sur ses comportements atypiques. De plus, les connaissances sur l’autisme ont beaucoup évolué ces dernières années, mais il y a 20 ans on a vu que le manque de connaissances pouvait mener à des dérives et des mises en difficulté de la mère et de la famille toute entière. “Je gérais mon fils, j’avais une entreprise, un mari… Avec l’accumulation de problèmes je me suis effondrée et suis tombée très bas” se confie Françoise. Heureusement son caractère l’a toujours aidée à se battre.  Avant que Pierre soit diagnostiqué, il était difficile de comprendre et d’expliquer son comportement autistique, notamment à l’école. Pierre mordait ses camarades au lieu de leur faire des câlins. Les personnes avec autisme ont des codes qui ne sont pas similaires aux personnes neurotypiques (personnes n’ayant pas de troubles autistiques). La famille de Pierre a dû apprendre à vivre avec ses particularités, comme le fait qu’il n’ait pas la notion de danger ou bien l’humour et le second degré… “Si le feu devient rouge et qu’il est au milieu de la route il ne sait pas s’il doit avancer ou reculer” Comme la plupart des personnes avec autisme, Pierre n’aime pas le changement et a besoin d’une routine quotidienne pour avoir des repères.

“Par exemple, dans la voiture le GPS doit être sur la fonction où il y a l’image et placé d’une certaine manière”.  

Pierre n’aime pas non plus que l’on touche à ses affaires. Françoise se rappelle d’une fois où il est allé voir un match avec sa soeur au stade, il a dû passer aux fouilles avant d’entrer mais il a refusé qu’on le touche, il ne comprenait pas pourquoi. Ce qui est à lui est à lui.

Pierre a toujours été hyperactif même s’il se calme en grandissant. Depuis tout petit, il a besoin de faire 2 à 3 activités par jour, ce qui était fatiguant pour sa mère quelques fois. Il est aussi impatient : “A la boulangerie par exemple Pierre ne faisait pas la queue il passait devant tout le monde récupérer son pain. Heureusement nous étions dans un petit village, tout le monde le connaissait et le laissait passer tous les jours. […] Une fois en centre, Pierre devait aller à la douche mais les éducateurs prenaient trop de temps à s’occuper de lui, alors il a décidé de mettre lui-même un camarade sous la douche. Si jamais ça ne va pas assez vite, il le fait lui-même.” Et ce ne sont que quelques anecdotes parmi tant d’autres…

Pierre a une grande sœur plus âgée de 3 ans. Françoise a toujours fait en sorte de tout expliquer à sa fille pour qu’elle comprenne son frère et les spécificités de l’autisme. Françoise avait acheté un livre d’Howard Butten qui a beaucoup aidé la grande sœur de Pierre à comprendre l’autisme : Ces enfants qui viennent d’une autre planète : LES AUTISTES. Sous forme de BD, ce livre lui a permis de comprendre les attitudes de son frère et la particularité de l’autisme. Sa soeur a été très protectrice avec son frère notamment à l’école, elle se souvient d’une élève qui lui avait dit “ton frère est débile et handicapé” et n’a pas hésité à le défendre. Ils ont toujours été très proches, aujourd’hui encore il partage des moments ensembles, des sorties, des fastfood…

La prise en charge et la force d’un calendrier semainier pour les repères

Une fois diagnostiqué, Pierre a pu être placé en hôpital de jour puis en IME. Sa mère a choisi un IME avec une section autisme qui était loin de chez eux mais c’était selon elle le meilleur endroit pour son fils. Elle ne regrette pas d’avoir fait ce choix aujourd’hui. Pierre a été accueilli 10 ans au sein de cet établissement ; il a pu développer la communication et le langage verbal et apprendre à être de plus en plus autonome. Le but de Françoise était de placer son fils dans des établissements où il se sentirait bien pour l’aider au maximum. “Si je l’avais gardé pour moi, Pierre ne saurait peut-être pas encore parler. Être dans des centres où il se sentait bien lui a permis de bien se développer.”

Depuis ses 20 ans, Pierre est accueilli tous les jours de la semaine dans un SAJ spécialisé dans l’accompagnement des personnes avec autisme. Il semble tout à fait épanoui dans son quotidien.

“Pierre est à sa place au SAJ, il adore partir chaque matin et rentrer le soir”

Concernant la communication ; Pierre a développé un langage verbal et comprend les discussions du quotidien, lorsqu’on parle de lui. Depuis son entrée à l’IME, Pierre a appris à s’exprimer et à comprendre grâce à la communication par l’image. A l’époque,  Pierre aimait beaucoup regarder la télé et répétait les dialogues ; cela l’a aidé dans l’apprentissage du langage verbal.

Depuis bientôt 6 mois, Pierre utilise à la maison le calendrier semainier magnétique développé par 630°EST. “Pierre utilise la communication visualisée depuis l’IME, il est habitué”. C’est pourquoi aujourd’hui il n’a plus besoin des schémas d’action pour les gestes du quotidien (se laver, se brosser les dents…). “Il est devenu autonome grâce à ce calendrier semainier, avec les répétitions il a appris et retenu à force”.  Le SAJ dans lequel va Pierre est équipé des outils 630°EST depuis près d’un an. Lorsque Françoise a découvert les outils qu’utilisait Pierre au SAJ, elle a tout de suite voulu que son fils ait la même chose à la maison.  Il est important que Pierre retrouve les mêmes outils en centre qu’à la maison, afin d’harmoniser la communication et avoir des repères. “Ce qu’il utilise au centre, il l’utilise à la maison, cela lui permet d’avoir des repères […] Quand il arrive, il met automatiquement les pictogrammes pour le lendemain.” Chaque soir lorsqu’il rentre du SAJ, Pierre organise sa journée du lendemain grâce à un semainier magnétique. De plus, ayant des parents séparés, le planning lui permet aussi de comprendre lorsqu’il est chez sa maman ou bien s’il va chez son papa.

Même si Pierre n’a pas la notion des jours, le système du calendrier pour se repérer dans le temps est très efficace, notamment avec le cadre violet qui lui permet de visualiser où il en est dans sa journée.

« Voilà, c’est Pierre. »


L’anecdote de Nathalie : « La première fois que Pierre a parlé devant moi, il avait 12 ans. Il est passé devant le four à plusieurs reprises et remarqué son reflet à l’intérieur. Il a commencé à prendre conscience de sa personne. Jusqu’au moment où il s’est exclamé : c’est Pierre ça ! Puis il a continué de faire des allers-retours devant le four en répétant son prénom. »

Quels conseils donneriez-vous à des parents dont l’enfant vient d’être diagnostiqué pour allier autisme et apprentissage au mieux ?

“Il faut dire aux mamans qu’il ne faut pas s’oublier, pour elles-mêmes mais aussi pour leurs enfants. J’ai remarqué que Pierre se sentait bien mieux quand je l’étais aussi. Mieux ils nous sentent, bien mieux ils sont. Mais il ne faut pas les garder pour nous, si je l’avais gardé pour moi je pense qu’il ne parlerait pas à l’heure actuelle. Je suis fière d’avoir fait toutes ces démarches pour Pierre même si ça a été parfois difficile. Le mieux c’est que notre enfant soit placé dans le bon endroit, il doit se sentir bien pour bien se développer et ne pas régresser (notamment les adultes). Aujourd’hui, Pierre parle beaucoup mais c’est un tel bonheur de l’entendre parler, parce que j’aurais pu ne jamais l’entendre.”

Propos de Francoise Nailler, maman de Pierre.